Le royaume des trois villages est sur le point de connaître son plus terrible hiver : par-delà le mur qui garde l’accès au jardin, une armée de palettes se lève, menaçant de tout détruire sur son passage. Mais il en faut plus pour refroidir les ardeurs d’Alex, de Lætitia, de Nova et de Kobole qui se disputent le Trône de bois. Tous les coups sont permis, et seuls les plus avant-gardistes, ou les plus économes s’en sortiront indemnes…
Cette chanson d’eau et de copeaux de bois a pris forme dans mon esprit il y a déjà quelques années de cela. À l’époque, encore et toujours locataire, je n’avais pas bien le choix : si je voulais utiliser le petit coin, c’était dans une vasque en porcelaine, point. Entre temps, ma conscience écologique s’est grandement étoffée et différentes rencontres/lectures m’ont ouvert le champs des alternatives : le diktat de la chasse d’eau allait bientôt pouvoir cesser.
Des faits !
Encore aujourd’hui, 2,5 milliards de personnes vivent sans aucun raccordement à un système de collecte (source) et 748 millions de personnes restent privées d’eau potable (source). D’un autre côté, nous utilisons de l’eau potable à chaque visite au cabinet, soit entre 3 et 12 litres d’eau à chaque utilisation (source). C’est tout simplement aberrant.
Notre urine et nos déjections passent, soit dans les égouts, soit par des fosses septiques (c’est le système que nous avons au village) : cela nécessite un équipement spécifique, des raccordements au réseau en-veux-tu-en-voilà et la plupart du temps, un entretien régulier. De sacrées pertes de temps et d’argent justifiées parce que nous considérons ce qui sort de mon corps comme des déchets mais surtout, nous sommes incapables de les intégrer dans un cercle plus vertueux. Un coup de chasse d’eau et je cache tout ça bien vite !
Ce petit geste quotidien n’est pourtant pas anodin :
- nous utilisons nos ressources naturelles, en l’occurrence l’eau, et de surcroît rendue potable ;
- nous polluons en retour les milieux aquatiques. Pensez à tous les médicaments que vous ingérez et qui retournent dans le sol et/ou dans l’eau (antibiotiques, pilule, etc.) ;
Bref, plutôt que de voir la lunette des toilettes comme un désintégrateur de nos excrétas, nous ferions bien mieux de les réintégrer dans notre (éco)système 🙂
Des alternatives !
L’assainissement écologique est une approche globale qui vise à replacer l’homme dans son écosystème, supprimer les pollutions des milieux aquatiques, traiter les urines et les matières fécales comme des ressources à valoriser pour la fertilisation des sols. Ces systèmes d’assainissement écologique préviennent des maladies, protègent l’eau, recyclent les nutriments, sont accessibles financièrement, adaptés au contexte culturel et social, simples, robustes et d’entretien facile.
– Source
L’association Terr’Eau œuvre dans le Couserans et contribue à une société dans laquelle chacun prend conscience de sa place et de ses responsabilités au sein d’un écosystème équilibré et considère ses rejets comme des ressources préservant ainsi l’eau et nourrissant le sol.
Je les ai rencontré en juin dernier à l’occasion d’une après-midi portes-ouvertes chez un particulier qui avait installé un système de phytoépuration. Ses aménagements m’ont fait rêver : deux bassins dans son jardin pour filtrer progressivement les eaux grises de la maison, dont une belle et grande mare qui accueille entre autre salicaire, renouée, fougère aquatique et nénuphar. Plus loin, deux composteurs transforment le mélange urine/déjections/sciure/copeaux provenant des toilettes sèches de la maison, auto-construites bien évidemment.
Ce n’était pas la première fois que je voyais des toilettes sèches, mais en constatant par moi-même le cercle vertueux que cette personne avait réussi à créer, une interrogation a rapidement martelé ma conscience : qu’attendions-nous pour commencer à notre échelle et avec nos moyens ?
Des actes !
Le terme « toilettes à compost » désigne les toilettes sèches qui traitent conjointement fèces et urines par compostage grâce à un apport de matières carbonées. Le principe […] est bien de permettre un processus de compostage en équilibrant les conditions d’aération, d’humidité et de rapport Carbone/Azote nécessaires à l’activité des bactéries, champignons et micro-faune.
Pour certains systèmes de toilettes à compost, le compostage va avoir lieu à l’extérieur dans un composteur, c’est le cas des toilettes à litière bio-maîtrisée.– Source
Ok pour la théorie, restait encore à motiver Alex et se projeter dans notre logement actuel. Car oui, nous sommes toujours locataires, il était donc hors de question de démonter notre vasque de porcelaine pour y installer notre nouveau trône. Nous avions la chance d’avoir un espace inexploité dans la continuité des toilettes, juste devant la cave.
Les mesures prises et le dessin de notre future œuvre validé par le chef de chantier, nous nous sommes lancés dans notre bricolage de l’hiver à la faveur d’un week-end ensoleillé, avec uniquement des matériaux de récup’ (palettes, bidon, tissu) 🙂
Rien de bien compliqué, il nous a surtout fallu entre temps nous projeter dans l’aménagement de la pièce qui est aussi un lieu de passage vers l’extérieur et vérifier que sa future reconversion ne nous empêchait pas de passer, notamment avec les bras pleins de bûches.
Après quelques semaines en suspens, le projet a enfin abouti aujourd’hui avec l’installation de la structure en bois à son emplacement final et l’aménagement des « abords » : de la verdure, de la lecture, de la lumière et de l’intimité. Quelques finitions vont encore être apportées : ajout d’une lunette, ponçage de l’assise, isolation de la porte de la cave, fixation du sac de copeaux de bois, ajout d’une marche. Mais notre trône est déjà fonctionnel et utilisé !
Nous récupérons les copeaux de bois sur les zones de coupe usagère ou dans une menuiserie locale. L’un de nos deux composts va être dédié à la transformation de nos excrétas en or noir pour le jardin 🙂 Un juste retour des choses.
Des rêves !
C’est une première palette posée, et bien d’autres viendront s’ajouter… Il y a matière à réfléchir, à mûrir, à essayer, quand nous serons « chez nous » et qu’un jardin nous permettra davantage. Mais ça, c’est un autre tome 😉
Belle réalisation, ça donne envie d’y poser une pêche 😀
Question naïve : un des arguments avancés contre les toilettes à eau est que les médicaments et autres saloperies ingérées par notre corps se retrouvent dans la nature. Du coup, avec les toilettes sèches, ils se retrouvent dans ton compost et au final dans ce que tu manges, non ?
Coucou 🙂
C’est une bonne question. Pour y répondre, je vais te citer une autre de mes références :
(Source)
En fait, de mon point de vue, il faut réfléchir à notre consommation de manière globale et donc y intégrer les médicaments. Personnellement, je ne consomme qu’un cachet de Doli**** de temps en temps pour mes migraines, et encore, j’ai pour projet de les remplacer par notre sauge à court terme. Pas de pilule non plus. Alex ne prend rien, les animaux ne sont pas sous traitement 🙂
Viens poser une pêche quand tu veux !
Eheh, avec plaisir quand l’occasion de représentera ! Mais c’est pas pour tout de suite : p’tit Louis nous oblige à préparer à très à l’avance nos vacances pour voir la famille et avoir du temps à deux quand même.
Pour les toilettes, le souci au final serait plutôt dans notre prise de médicaments (on n’en prend quasiment aucun non plus, mais il faut relativiser : on n’est jamais malade) 🙂
Les antibiotiques ne sont pas un souci donc pour le compost, la question reste pour les autres médicaments et perturbateurs endocriniens (polluant type PCB, produits d’agriculture, etc), qui peuvent pour certains se transmettre sur plusieurs générations via le fœtus (documentaire intéressant bien qu’anxiogène sur la 5 hier) avec des conséquences graves… Donc dans le compost ça ne doit pas être top.
Mais encore une fois, le souci n’est pas dans les toilettes mais en amont !
Je me renseignerai sur la sauge : la fatigue due au rythme de vie avec un bébé apporte des migraines si je n’ai pas l’occasion de boire assez de thé (ma drogue).
Merci 🙂