Et voilà, après deux petites courses de ski de randonnée en nocturne sur la station de Guzet-neige et des Monts d’Olmes, le virus a pris et me voilà entraîné dans la spirale d’un sport dont je ne connaissais pas grand chose il y a encore quelques mois. Bien que ces deux courses aient été une jolie mise en bouche pour moi, il me fallait essayer une vraie course de ski d’alpinisme et par chance, l’ami d’un ami est venu me demander si je voulais participer avec lui à cette fameuse « Cursa Bassiero » en Catalogne. Et comme toute histoire impliquant le « Couserans Libre« , cela commence par une tente, du vent froid, au choix de la pluie ou de la neige – voire les deux – et un gros plat de pâtes.
Pour expliquer rapidement ce sport, la première règle est d’être deux. Une mini-cordée qui se serre les coudes, s’entraide et se pousse au maximum pour, dans notre cas, boucler le parcours, et pour les meilleurs évidemment, finir devant… Le parcours est une succession de montées et de descentes dans un environnement naturel utilisant le moins possible de pistes damées. Du coup, c’est souvent très joli. Les montées se font en peaux de phoque collées sous les skis (laissez Brigitte Bardot tranquille, les peaux de phoques ont été remplacées il y a bien longtemps par un mélange mohair, qui est une laine, et de la fibre synthétique pour lier l’ensemble). Les descentes se font à toute vitesse (après réflexion, les montées aussi …) et il y a par moment des passages par des couloirs ou des arêtes nécessitant de chausser des crampons et de mettre les skis sur le sac à dos. Maintenant que vous avez compris que ce sport est très loin d’un 400m sur piste d’athlétisme, je vais pouvoir parler de la course en elle-même.
Le départ est dans quelques secondes, je suis avec mon coéquipier Sylvain sur la ligne de départ, avec 130 autres équipes. On est montés à bloc.
Enfin le coup d’envoi. Comme me l’avait dit Sylvain, ça part vite et on s’entasse dans le premier virage en épingle. En même temps, quelle idée de mettre un virage à quasiment 180° vingt mètres après le départ…
Qu’importe, les skis se touchent, les bâtons se coincent et dans cette première montée, tout le monde essaie de se faufiler pour faire ses conversions (petit rappel, une conversion est une technique pour tourner. Quand la pente est un peu raide, il faut évoluer en zigzag et non tout droit dans la pente, d’où les conversions). Je perds Sylvain de vue à plusieurs reprises dans cette cohue, et dois redoubler d’effort pour revenir à son niveau.
Me voilà en haut avec Sylvain qui m’indique qu’il ne faut pas réfléchir et simplement descendre à fond. Ça me rappelle ce bon vieux adage de trail « Réfléchir, c’est déjà ralentir« . Après avoir enlevé mes peaux, je m’élance derrière Sylvain. À priori, il ne réfléchit pas puisqu’en quelques secondes, il est très loin devant alors que la neige est complètement gelée. Je prends sur moi et accélère droit dans la pente. Et bim première gamelle. Je me relève, me dit qu’il faut avancer un peu quand même. Bim, deuxième gamelle. Je finis cette courte descente avec l’angoisse des prochaines, mais sacrément content de monter à nouveau. Sylvain, quant à lui, a trouvé cette neige parfaite, j’ai dû me tromper de chemin…
C’est reparti : une ascension de 350mD+ nous attends pour atteindre le col de Ruda. Rien de bien compliqué, surtout que maintenant le peloton est très étiré. On a même l’impression par moment d’être tous seuls dans ce décor magique. C’est vraiment superbe et le temps est avec nous. Il fait un soleil éclatant !
Il faudra mettre les skis sur le dos pour le dernier passage en couloir et ainsi rejoindre la deuxième descente. Et à mon grand soulagement, la neige est vraiment bonne sur ce versant, je peux enfin lâcher les chevaux et ne pas trop me laisser distancer par Sylvain qui lui est très à l’aise. Il y aura quand même une petite gamelle, mais rien de grave. On arrive très rapidement sur la zone où l’on doit remettre les peaux. Et c’est cool, parce que maintenant, c’est du sérieux : on s’attaque au pic de Bassiero et ses 2 897m. Une petite grimpette de 770mD+ nous y amènera au plus vite.
Après avoir parcouru de magnifiques petits vallons, nous arrivons à l’étape intermédiaire pour atteindre le Bassiero : un couloir qui nous permet de rejoindre le col de Bassiero, skis sur le dos et crampons aux pieds. Ce sport commence vraiment à me plaire !
Au col, je remets les skis, je range les crampons et on repart au plus vite. D’ici, on peut apercevoir les skieurs dévaler les pentes depuis le sommet. J’ai vraiment hâte d’être au sommet pour en redescendre. Premier coup de fatigue de Sylvain, je décide de le devancer pour qu’une fois arrivés au sommet, je puisse l’aider à ranger ses peaux et ainsi repartir au plus vite. D’ailleurs, il fait exactement la même chose avec moi puisqu’il m’attend après chaque descente pour mettre les peaux sur mes skis et ne pas perdre de temps. C’est ça une cordée.
Après le conseil de Sylvain « Fonce, tu n’as rien à perdre« , je m’élance dans cette troisième descente en lâchant le frein à main. La neige est super, et c’est vraiment 600m D- de pur bonheur. Je suis surpris d’arriver en bas sans avoir « trop » mal aux cuisses, j’étais peut-être plus détendu. Galvanisé comme jamais, je me dépêche et nous repartons pour l’avant-dernière montée. Sylvain commence à vraiment accuser le coup et cette chaleur écrasante n’est pas là pour aider. L’une de ses peaux se décolle, mais rien de grave, il a une paire de rechange, et en trente secondes elle est remplacée. La partie finale pour atteindre le col de Xemeneies se fera dans l’herbe, faute de neige dans le couloir.
Une fois au col, la dernière descente m’attend. Je demande à Sylvain combien de dénivelé nous allons descendre. Il me répond 230m D-. Je suis ravi, ça devrait aller vite. J’entame cette petite descente serein. Mais après quelques minutes, je ne comprends pas : cela me semble interminable. Certains passages se font en forêt, on est très très loin d’une piste en station. Des trous, des bosses, des arbres et des rochers. Tous ces obstacles à éviter en essayant d’aller le plus vite possible… Mes cuisses n’en peuvent plus, je suis à la limite des crampes mais il faut pourtant continuer d’avancer.
J’aperçois enfin la zone où l’on remet les peaux pour la dernière montée. Mais entre nous deux, il y a encore ce « mur » à descendre. J’arrive à peine à faire des virages corrects et c’est avec les lèvres qui piquent, la vision étoilée et le goût de sang dans la bouche que je finis enfin cette « petite descente » qui en réalité faisait 790m D-…
Pas le temps de respirer, Sylvain prépare mes skis et on est repartis pour la montée finale jusqu’à la ligne d’arrivée. Je suis à fond, c’est la dernière alors on vide l’énergie qu’il nous reste. Sylvain n’en peut plus, on décide de l’accrocher à moi pour que je puisse le tirer un peu. Mais ça n’aura pas fonctionné longtemps, une autre de ses peaux se décolle et les miennes ne tiennent plus à grand chose. Mais ce n’est pas grave. Dans ma tête, je me dis que je finirais en courant s’il le faut. Mais par chance, je n’aurais pas à le faire, et c’est après 4 heures et 33 minutes que nous finirons par remplir notre objectif en bouclant la boucle.
Merci Sylvain pour cette belle cordée,
Merci le « Couserans libre » parce que le « Couserans libre »,
Et merci aux organisateurs de la Cursa Bassiero pour tout !
Toutes les photos proviennent de l’organisation « Cursa Bassiero« . Le reste ici.
Merci pour ce beau récit. Et quelle belle aventure pour toi, le novice de cette épreuve mais aussi le plus persévérant, j’en suis sûre.
Te voilà montagnard de cœur.
Les difficultés s’enchaînaient, dis-moi mais ton moral d’acier a fait le reste.
Tu peux être fier de toi.
Félicitations à vous 2.
Ton sourire sur les photos fait plaisir à voir.